Depuis 1997, la disparition de la Grande Dame, le «mythe Mado» est toujours aussi vivant. Il faut dire que le personnage, l'une des rares femmes étoilées au guide Michelin pendant 21 ans, était à la hauteur de la réputation de son établissement. Née au tout début du siècle dans la région lilloise, Madeleine Poncelet, fille de charbonnier, divorcée d'un pharmacien, ouvre son premier restaurant à Montreuil-sur-mer en 1939.
La renommée ne se fait pas attendre, y compris dans les cercles huppés. Le duc de Windsor, le roi Pierre de Yougoslavie et le capitaine de Hauteclocque (futur général Leclerc) en manuvres dans la région, fréquentent sa maison.
Après la guerre elle ouvrira «Le Vauban» à Abbeville puis «L'auberge de Picquigny». Ayant une préférence pour la côte, elle reprend en 1953 «Le Commerce» au Crotoy, avant de s'installer définitivement en 1960, sur le quai Léonard, à «L'hotel de la Baie» qu'elle rénove avec Jean Poupart son compagnon.
Dans ce décor qu'elle a voulu surchargé de meubles, de tableaux et objets, dans l'opulence et dans un certain faste, Mado continue de recevoir sa clientèle des premiers jours, fidèle, qui s'est élargie aux sociétés cosmopolites de la politique, de la presse et du show-business. Catherine Deneuve, Pierre Brasseur, Roger Vadim, Zizi Jeanmaire et Roland Petit, Denise Grey, Michou, Jean Edern Hallier... Tout un monde de personnalités qui se mêle aux habitués des lieux comme Bob Caron, Pierre et Roloff..
NTous sont d'abord attirés par la qualité de la cuisine de Mado, une cuisine simple, parfaite, inspirée par les produits locaux: turbot, crevettes de la baie ou encore la sole ou les moules "façon Mado" ; mais tous, en secret, attirés par le personnage: une femme de caractère avec une forte présence, accueillante et arrangeante avec ses clients, ayant un sérieux tour de main et une santé à toute épreuve...
Elle était toujours couverte de bijoux, entourée d'un cortège de petits chiens sautillants, et d'un perroquet "Coco" qui chantait la Marseillaise. Et ce qui était encore moins banal, Mado élevait en permanence, dans l'arrière-cour du restaurant, deux cochons, un gros et un petit, qu'on nourrissait avec les restes. Quand on tuait le gros, on en rachetait un petit. Une façon d'assurer un approvisionnement de qualité...
En 1987, Mado décide de passer la main, et c'est Reine-Marie Lesage, cliente assidue, propriétaire du "Relais des orfèvres" à Amiens, venue à la recherche d'un appartement qui repart propriétaire de chez "Mado". On ne pouvait rêver meilleure transition. Pour fêter cet événement, Mado organisa un repas pour cinquante convives, amis fidèles et officiels et se vit remettre, à cette occasion, la croix de chevalier du mérite national des mains de Max Lejeune ancien ministre et fidèle habitué. Mado ne prit alors qu'une semi retaite en continuant d'accueillir, avec sa fidèle Annie, les touristes venant dans son hôtel annexe voisin du restaurant. C'est là qu'elle s'est éteinte à l'âge de 93 ans en février 1997.
Reine-Marie nous a quitté a 54 ans, en février 20O2, suite à une longue maladie. Mais l'histoire se prolonge. Une belle histoire de famille et d'amitié. Isabelle la fille de Reine-Marie a voulu que perdure l'image de ce restaurant inventé deux fois par ces deux grandes dames, et en a confié la lourde tâche a Wilfrid le gérant, Joël, Michou et a toute l'équipe pour en conserver tout l'éclat.
C'est une vrai responsabilité pour Wilfrid Urbaniak... Mais douze ans passés chez "Mado" auprès de Reine, après plusieurs années d'expérience dans plusieurs restaurants réputés dont le Trianon Palace à Versailles, lui permettent brillamment de poursuivre ce défi avec sa propre touche.
En 2018, la belle aventure "Chez Mado" prend un nouvel élan avec la reprise du restaurant par Marie Soller, appelée Madame Marie...
C'est la quatrième femme qui vient diriger cette institution Picarde. Originaire de "Picardie de l'Est", cette laonnoise comme de nombreux Picards a fréquenté Le Crotoy dès son plus jeune âge.
Son mari, Olivier Régis, Aveyronnais de Paris, tombe amoureux de Madame Marie, de la Picardie et de la Baie de Somme... Il lui apporte son expérience familiale depuis 6 générations dans la restauration de qualité.
Wilfrid Urbaniak et Jean-Pierre Sueur mettent les petits plats dans les grands, soignent la cuisine, sa tradition ainsi que le choix des produits au plus proche des pêcheurs et des producteurs locaux.
A 36 ans, Madame Marie reprend donc le restaurant avec l'ambitieuse volonté de faire rayonner ce joyau d'histoire locale et du patrimoine gastronomique picard à travers notre grande et belle région et ses visiteurs du monde entier.
Mado restera toujours Mado